Le vol du paon du jour
Quand l'art se forme dans un contre-temps apparent, dans un temps où le créateur ne geste pas la matière, mais cherche la substance à même de donner forme à l'informe, quand cette forme dégrade une autre pour mieux éveiller à l’imperceptible, alors je caresse à nouveau du regard les couleurs éperdues du paon du jour qui avaient jadis maculé mon esprit.
Encore faut-il qu’elles retrouvent, ces couleurs, la légèreté d’antan.
Aussi improbable que le bain de thé qui infuse puis innerve le métal, aussi surprenant que la fleur de pavot qui incise le papier ou s’épanouit dans le plâtre, je me surprends soudain à sonder un art de l'abandon au cœur duquel la discrétion acquiert une présence qui me touche. Au seuil de cette impossible désinvolture de la matière, je renonce à en saisir le sens pour ne pas capituler devant une vision dont je préfère capter l’émerveillement, mais aussi la fragilité.
Alors, je remonte enfin le temps, que l’artiste Pierre-Yves Freund a lui su conjuguer au présent, et j’accompagne le vol du paon du jour, finalement plus beau quand il s’élève par-delà le buddleia de mon enfance.
Samuel Monier
Samuel est actuellement conservateur au Musée de Dole.
Photographie d'un cahier de pétales de pavots par Olivier Perrenoud.