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Pierre-Yves Freund & Olivier Toulemonde, DUST, 2min26 (France) _ Traverse vidéo _ Variabilités en échos _ 2023 _

Rien n’est jamais vraiment plus rien, ou nous ne serions plus là pour tenter de le nommer. Alors presque rien ? 

Les pièces de Pierre-Yves Freund, ses presque rien voire son presque en plâtre avec interstice de lumière ou avec arêtes de fer rouillé, ses bois et ses boîtes avec thé portent toutes, la sérénité d’un jardin japonais dont le tracé des cailloux nullement bousculé par les cailloux posés impose son vibratoire silence.
Cette fois, le médium est le poème-vidéo environné de musique si inséparable que le nom même du compositeur est lié avec esperluette à celui de Pierre-Yves Freund.
Il s’augure des mots de Docimasie du poète Patrick Wateau : « Possible que le vent s’arrête où bon lui semble, et possible qu’il neige d’un côté seulement » sans pourtant que ce titre-terme scientifique polyvalent en médecine, en études des minerais, l’induise à arrêter une définition. En effet, loin de chercher à saisir la réalité de la poussière, sa qualité et ses minuscules ingrédients, l’opus se fascine aux mouvements, nuages, envolées se faisant, se défaisant. Le vent s’enroule en et par elle. DUST reste fidèle à son prélèvement artistique du moindre, de l’humble toujours recommencé, si proche et toujours différent.

L’éphémère devient le temps. Il ne dessine pas, malgré l’attirance pour Duchamp, de l’artiste, un retour à Élevage de poussière – seconde appellation de Vue prise par aéroplane, négatif argentique de Man Ray, pris en 1922, de la poussière sur une plaque de verre, qui devint La Mariée mise à nu par ses célibataires, même, 1915-1923. Il en adopte l’indétermination de l’espace et celle du temps rendue sensibles par le rien des mouvements de la poussière.
L’œuvre emblématique de Duchamp draina quelque 150 pièces pour l’exposition menée par David Campany, au Bal, en 2016, avec DUST comme titre-thématique, alors qu’elle entraîne à questionner la nature de la photographie comme indice ou comme trace.

Cependant, pas d’assertion dans ce DUST, ni de rappel à des paroles en religion censées nous rappeler notre limite de mortels même si le son éveille des bribes narratives d’orage et de hurlements étouffés.
Seulement et pleinement un film : du noir et du blanc, qui font forme et aussitôt a-forme par le mouvement ; le temps sans lequel pas de réalisation de cet éphémère, de ce changeant avec les mêmes riens- les grains de presque-rien. La lumière indispensable qui révèle le peu, l’essentiel et le colore différemment.
Serait-ce s’approcher du mu, qui, préfixe privatif du japonais, est aussi par le taoïsme compris comme « vacuité », « rien ». Se dire comme un « c’est à dire » sans autre explication que ce dire et cette approche sensible à renouveler.

Simone Dompeyre











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