monastère des clarisses _© pierre-yves freund






Monastère des Clarisses _ Poligny _ été 2006



Pierre Yves Freund, côté jardin.

Le sculpteur Pierre Yves Freund expose chez les Clarisses, dans leur monastère de Poligny.
Il s’agit ici, comme le dit lui-même l’artiste, d’une rencontre. Personne ne cherche à convaincre personne : une rencontre dénuée de calculs, une rencontre dans le sens le plus noble du terme. C’est à dire faite pour marquer l’instant présent.

Ce faisant, Pierre Yves Freund participe à l’histoire du jardin et du parloir du monastère.

Dans le premier de ces lieux, une pièce horizontale en trois parties rectangulaires de taille égale semble, posée au sol, comme une pièce d’eau ou un miroir, interroger le ciel. Reflets bleu et vert, couture/cicatrice ocre d’une barre de fer à la fois discrète et fortement présente, éloge d’une transparence simultanément évidente et absente, cette pièce est dynamique dans son centrement sur la pelouse : chaque jour transformera cette installation, soumise à la chaleur, à la pluie, au bon vouloir céleste. Transformations sans bruit. Effondrement presque invisible du plâtre, combat de l’herbe vivante et de la sculpture pleine de la vie du sculpteur et des habitantes des lieux. Comment tondre habilement autour pour ne pas abîmer la sculpture ? Pour la laisser se déliter « elle-même » ?
C’est un peu de l’expérience du temps envolé qui s’exprime ici. C’est une évidence mais il faut le redire : la sculpture n’est plus seulement un « art de l’espace ».

Dans le parloir, trois territoires.
D’abord, visuellement très présente, une trilogie (une trinité ?) de hautes barres verticales dont la fragilité relative s’oppose au mur de pierre. Est-ce l'empreinte du contexte historique et spirituel dans lequel ces sculptures ont été installées, certains, absolument désireux d’une « explication », verront ici des personnages. Des veilleurs entend-t’on dire... Nous avons toujours quelque peine avec le réel et nous sommes curieux de savoir comment les autres s’en arrangent, appelant comme nous l’imagination à la rescousse. Statuaire.
Il y a aussi une photographie. Blanche, grisée, solitaire. Solitude.
Troisième élément, une collection de petites plaques de plâtre que l’on peut prendre en main. A la dimension naturellement tactile de la sculpture, Pierre Yves Freund ajoute une possibilité narrative : les fleurs emprisonnées ou révélées par la matière, dans sa blancheur native, nous évoquent le passé d’un jardin, un autre printemps, l’ailleurs, des paysages inconnus, des itinéraires que nous n’emprunterons jamais et dont nous portons cependant en nous l’étrange nostalgie. L’Eden ?
La boucle est bouclée avec ces petites plaques de plâtre : le lien avec la pelouse où repose et s’anime la pièce horizontale en trois parties rectangulaires est établi. Géographie du monastère, routes tracées par l’artiste.



Reste, dans la salle d’exposition, le téléviseur et son papillon. Une sorte d’évocation numérique de ce passage observé du temps. Comme si, dans les trois lieux qu’il occupe, en plein air ou à l’intérieur, le sculpteur faisait œuvre « d’architecte paysager », nous dévoilant de gazon en parloir (lieu si bien nommé) l’insaisissable de nos voyages-destins, sans dégoût ni souvenir, peut-être juste avec un peu de douleur discrète et d’étonnement partagé.

Ces quelques remarques sont incomplètes et partiales. Une autre lecture est possible, c’est la richesse même de l’installation de Pierre Yves Freund qui l’impose. Lui-même n’échappe pas à ce qu’il décrit avec du plâtre, du verre, une photographie et quelques pétales de fleurs : il voyage. Un herbier sur les genoux.

Et le passage du lieu clos du monastère à l’espace ouvert de la cité nervure le travail du sculpteur. Sans compter qu’il y a l’infini du ciel, ce fameux « effondrement vers le haut » comme le disait Arthur Rimbaud.


Philippe Aubert.

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les vitrines du pavé dans la mare _© pierre-yves freund
les vitrines du pavé dans la mare _© pierre-yves freund
les vitrines du pavé dans la mare _© pierre-yves freund