le point du jour _© pierre-yves freund






Le point du Jour, 2007
Association Voyons Voir, Trets, 13.
Résidence à Château Coussin.


Mais qu'est ce que vous faites exactement ?


Je coule des formes de plâtre qui contiennent souvent des fragments de matière _ une tige de métal qui rouille et se dessine, un écrit, un vide... _ Les formes se déterminent au regard du lieu, beaucoup sont réalisées, toutes ne sont pas utilisées.

La multiplication des gestes calme-t-elle l'inquiétude ?





A Château Coussin, les lignes horizontales répondaient à l'architecture du cloitre.
La mise en situation invitait à une lente déambulation.






Le travail n'est pas immaculé.




Le blanc se désire sale, les angles s'effritent, les surfaces s'écaillent et portent les traces de leur propre vécu, lourdes à porter, et trop légères pour ne pas être vite déplacées.





Sans cesse, je reprends les mêmes gestes, dispose ces volumes aux allures de maisons, ici et là, sous le pont de l'autoroute, au fond du jardin.
Pas n'importe où.

Le temps, le vent, les éléments érodent les plâtres, les délitent lentement, révèlent les secrets enfouis, l'histoire se modifie.










Les petites plaques de plâtre rassurent. Frédéric s'immobilise, les regarde et sourit. Elles sont lisibles, fragiles, les mots incrustés affleurent.

J'écris le plus petit que je peux des mots que je recopie vole dans un livre, pas n'importe lequel, pas n'importe quand, peut-être au point de la fin de la nuit quand le silence.

Les disposer, les laisser sans les oublier, les confier.
Briser les moins intéressantes.









Samedi 22 mars 2008. Je relis les mots, regarde les images, la trace n'est que mémoire estompée, les phrases ne sont que les miennes. J'aurais aimé dire les rencontres sans lesquelles mon travail n'est rien, les heures passées à marcher seul, le besoin soudain du regard de l'autre.


Chaque geste passé est le brouillon de celui qui viendra peut-être.


Recommencer demain.











Ce vieux film, tu te souviens peut-être, ils arrivaient la nuit prés des villes, ces longs bidons villes refuge nés de bric et de broc, planches ramassées trop vite clouées, tous s'y mettaient, cela tapait, colmatait, il pleuvait, le temps se fout des urgences de vie, ils avaient marché longtemps vers de faux Eden, c'était en Italie, au matin, si le toit était posé, les carabinieri ne pouvaient plus démonter, pas casser, pas chasser, il fallait finir vite avant l'aube, vraie ou fausse, avant la lumière, avant le point du jour.

Est-ce que cela a vraiment changé ici ou là ? Dis-moi, raconte-moi encore les rêves des vieux, ceux que nous n'aurons plus, maintenant même de nuit ils forcent les portes des derniers asiles, là-bas, encore, il y avait ... juste après ils ont fui le pays.

Je ne prétends à rien, les points du jour sont si différents, je coule mal les toujours semblables blocs de plâtre, y place des phrases volées ; je fais, mots et images abondent dans ma tête, me conte des histoires, passer le temps, justifier le geste, et puis rien ; aligner, continuer, recommencer, le moule a éclaté, cela fuit, salit encore de blanc, il y a urgence à réparer, il y a plaisir à faire ainsi. Après, oui, après, le monsieur me pousse doucement, me remontre les gestes calmes et posés, il remue avec savoir faire le plâtre, je t'apprends si tu veux, mais je sais, tu sais, je sais. Je fais ainsi pour aller un peu plus loin, j'aime ce mal au creux du ventre parce que ce n'est peut-être pas bien, je ne fais pas un bel objet, je ne fais pas beau, et ne montre à presque personne ces seaux de plâtre qui tracent une route. Regarde les planches se sont disjointes, ce n'est pas grave, il faut juste que le toit tienne jusque ce soir, nous le consoliderons, cette nuit.

Et dans l'ombre qui descend, d'autres arrivent qu'il faut aider, au point du jour, ils devront être à l'abri, je et nous soudain importent moins que la maison de plus.

Couler du plâtre.
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