terres d'encre _© pierre-yves freund






Terres d'encre,
2004 _ Vallée du Jabron _ Alpes de Hautes-Provence.



Entre ciel et terre, le hiatus. C’est un homme souvent. Là non.
C’est Il y a. Ce n’est pas un concept pour autant, on peut
toucher. C’est sans nom. Ou bien est-ce le sang signataire qui
tremble encore un peu, plus cerf volant que drapeau. Rouge.
Dans l’envisagement.

Le secret n’est pas véritablement perdu, dit je suis secret, je
suis, quand on me voit, première chose silencieuse qui dit
secrètement la proportion nouvelle du monde : un homme est
passé sur la grande terre.

Un homme est donc passé sur la grande guerre entre pérenne
et anéanti sans autre histoire qu’avoir montré de son doigt si
friable l’arbre qui s’en va lui aussi, plus lentement. L’arbre est
fendu de bas en haut, cuisses au ciel embrassant l’air et le
feuillage par où quelque chose encore pense. Fendu par un
bâton d’aveugle qui montre. Montre un estuaire, comme la
jambe de l’y.

L’y est le hiatus qui dépossède il a définitivement.

Puis tous les doigts, les bâtons pérégrins, les langues d’oeil se
sont couchés. Traverses. Caillebotis du désir. Défaite
triomphant un instant des histoires.

Un cœur bat maintenant, rompu, déjà touche au silence.

Une a relevé le secret et c’est très dangereux de relever les
secrets, les choses premières. S’est cassée la ligne à l’endroit
du secret. On n’a pas retrouvé la parole perdue mais la
conscience s’est accrue douloureusement dans la ligne brisée
de la parole.

S’est converti l’espace à l’abstraction. Puis dans la folie
d’abstraction, la folie du hiatus, du petit je sans nom, s’est
défaite de son impérialisme constitutif. Le petit je d’os tôt pilé,
de plâtre moulé, de chaux vive, s’était agriffé au nom propre des
choses, des dieux anciens, l’arbre et la pierre.

Je s’est défait dans son essor.

Une a relevé le nom des choses, des dieux anciens, l’arbre et la
pierre. L’homme a passé. C’était sur la grande terre. Une a vu.

Dans sa nuit, elle invoque le jour. Ne chante pas, danse. Enfin
tournoie. Avant de s’abattre, l’oiseau tournoie. Le cœur bat. L’œil
brasse du ciel. Disparaît le plâtre, et disparaît l’arbre, et
disparaît le rocher, disparaît le hiatus, la pensée, dans la
disparition d’homme.

Reste un secret. Elle a vu vite comme voit le frisson. Elle est
entrée par le feuillage.

Pendant que migrent des idées de hérisson dans la
remembrance des torrents. Car venus d’il y a bien longtemps
les torrents se sont asséchés.

Une a vu que l’homme avait égrainé de douces formes entre les
cuisses des berges et qu’elles dérivent désormais dans
l’obligation de la pente. Une rondeur s’est accrochée à la fente
d’un caillou.

Une a dit je vois qu’un jour l’empreinte fut un sourire d’homme
sur la désolation. Alors elle prend et rend en floraison.

Elle révèle ce qui déjà fut révélé c’est ainsi. Elle tend la main
dans quoi fut tenue la parole poétique qui fut tenue souvent.
C’est ainsi.

Au sol les traverses taisent les confidences des semelles,
reposent dans le fracas du silence sur une idée de proportion.



Hiatus, texte de Caroline Sagot Duvauroux
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